Après un démarrage un peu lent (il n’y en avait que 200 au bout de dix ans), les Scic ont trouvé le succès et sont près de 1000 aujourd’hui. Très exactement 974 selon leur dernier recensement de 2019. Cette forme de coopérative caractérisée par ce qu’on appelle le multi-sociétariat permettait pour la première fois dans l’histoire des formes coopératives la prise de parts sociales par des collectivités territoriales. Les Scic ne s’en sont pas privées puisque plus d’un tiers d’entre elles ont une ou plusieurs collectivités à leur capital. Selon un décompte qui date déjà de 2016, ce sont surtout des communes (pour 69 % des Scic concernées), suivies des intercommunalités (42 %) puis des régions (22 %) et des départements (9 %). On y trouve également d’autres formes de collectivités (pour 28 %) comme par exemple des parcs naturels régionaux.
Rencontre heureuse
L’expansion récente des Scic (plus de 700 en moins de dix ans) ne semble pas en voie de s’arrêter: « Nous avons accompagné une trentaine de projets de Scic ces derniers temps, explique Florent Chambolle, délégué régional de l’UR Scop Île-de-France. Aujourd’hui, dans notre région, il y en a presque plus qui se montent que des Scop. » Autre évolution remarquable : de plus en plus de Scic sont suscitées directement par des collectivités. « Avant, les porteurs du projet, souvent des associations ou des entreprises qui se transformaient en Scic, allaient chercher les collectivités une fois le projet conçu. Maintenant on voit beaucoup de Scic où les collectivités sont présentes dès le lancement de l’idée. » Une réalité particulièrement forte dans la mobilité, la santé ou l’énergie (en particulier le renouvelable et la rénovation énergétique), secteurs phares de la rencontre plutôt heureuse entre collectivités et Scic. S’affichant pour certaines d’entre elles « au service du territoire », la logique de l’intérêt partagé de l’entreprise et des collectivités s’impose.
La Scic, c’est un partenariat, c’est un ensemble.
explique Jean-Marc Allain, maire de Gorron (2 500 habitants en Mayenne) et membre de la Scic Mayenne Bois Énergie.
Son engagement dans l’entreprise s’explique aussi de manière très prosaïque :
On a fait 25 % d’économies rapport au fuel… Il n’y a pas de recherche de profit comme le font d’autres filières, c’est l’idéal pour nous !
Jean-Marc ALLAIN, Maire de Gorron
Cette Scic réunit ainsi, à côté de ses fournisseurs de bois, de ses partenaires techniques, de ses salariés et de ses usagers, plusieurs EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) dont 4 siègent à son conseil d’administration de 16 membres.
Effet levier
Même logique de territoire dans la région de Lons-le-Saunier où Clus’Ter Jura, né en 2016, se présente comme un générateur de projets et d’activités. Avec la création de six entreprises à son actif (une ressourcerie, une start-up de géolocalisation, une épicerie mobile, une entreprise textile, une autre de lavage de bouteilles, etc.), la Scic a fait ses preuves. Mais il n’a pas été nécessaire de convaincre les collectivités puisque trois des cinq qui en sont sociétaires étaient à l’origine du projet, né d’habitudes de travail en commun incarnées en 2014 par un Pôle territorial de coopération économique (PTCE).
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Il n’y a pas d’amalgame. Les collectivités savent qu’elles peuvent bénéficier de l’ingénierie de Clus’Ter Jura et ne mélangent pas leur place de sociétaire et leur relation prestataire avec la coopérative.
Pierre-François BERNARD
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Rendre le territoire attractif
Née d’abord sous la forme d’une association d’entreprises en 2015, la Scic PVNum, officiellement créée l’année suivante, est opérateur d’infrastructure fibre optique sur le Pays voironnais et l’agglomération grenobloise (Isère). Pour sa responsable administrative, Amandine Talourd, « la Scic est le meilleur modèle pour mettre en avant un projet public-privé » même si à l’origine avait été évoquée l’idée d’une SEM (Société d’économie mixte). Pour le moment, seule la communauté d’agglomération du Pays voironnais est membre de la coopérative qui a déjà permis de connecter 240 entreprises et quelques communes.
« Mais à terme nous espérons raccorder les 300 établissements publics (mairies, bibliothèques, etc.) du Pays voironnais si nous décrochons bien l’appel d’offres que va lancer la communauté d’agglomération. »
Amandine Talourd, responsable administrative de la SCIC PVNum
Ce serait logique, même si en l’occurrence cette logique se heurte aux règles des marchés publics… Les atouts de PVNum sont nombreux : proximité, réactivité :
« On connaît toutes les entreprises! Et puis le projet est très ancré : on offre un service indispensable aux entreprises, on leur permet ainsi de rester sur le territoire et de rendre celui-ci attractif. »
Amandine Talourd, responsable administrative de la SCIC PVNum
L’enjeu est vital et stratégique et la coopérative espère bien inciter de nouvelles collectivités à rejoindre son sociétariat.
Boucler la boucle
Une jonction qui s’inscrit dans une logique de coopération avec les collectivités pour les Scic du réseau Enercoop.
Sur le thème des énergies on se retrouve et on se complète bien avec des collectivités qui se reconnaissent dans nos valeurs.
Nos projets de production avec des petits parcs solaires villageois par exemple trouvent un écho très favorable auprès d’elles. On se retrouve sur la question de l’aménagement du territoire, sur la promotion des circuits courts d’énergie et sur la transition.
Loïc Blanc, coordinateur général d’Enercoop Midi-Pyrénées
Compétence et indépendance
Créé en 2009 à l’initiative de la région Paca, l’IRFEDD (Institut régional de formation à l’environnement et au développement durable) vise à répondre aux besoins de montée en compétences professionnelles des acteurs de la transition écologique, en particulier dans le monde économique et industriel. À l’époque (c’était avant la loi de 2018 sur la formation professionnelle qui, depuis, a rebattu les cartes), la Région était à la manœuvre sur cette compétence. Si la Scic et la collectivité ont alors travaillé main dans la main, la Région siégeant au conseil d’administration, le changement de majorité fin 2015, suivi en 2017 d’un jeu de chaise musicale à la présidence régionale, a ouvert une période un peu floue pour la Scic.
Nous avons également été fragilisés par le non-renouvellement d’une convention qui reconnaissait une partie de notre activité comme relevant d’un service d’intérêt économique général. Mais, d’une part nous disposions d’une légitimité auprès des acteurs économiques, universitaires, de l’emploi et de la formation professionnelle, d’autre part nous avons toujours été prudents dans nos relations avec la Région pour que notre existence n’en dépende pas majoritairement.
Philippe Lebarbenchon, directeur de l’IRFEDD
Compétence et indépendance plutôt que connivence et dépendance ont été les garantes d’un projet qui a su traverser cette zone d’incertitude politique – sans compter que la transition écologique est désormais une question qui transcende les clivages politiques. La Région est toujours présente au conseil d’administration et les inquiétudes viennent davantage aujourd’hui des récentes évolutions réglementaires.
Un statut réglementaire
Les difficultés rencontrées par les coopératives sont plus souvent liées à des problèmes de personnes qu’à des changements de majorité politique qui remettraient en cause radicalement l’engagement de la collectivité. Une Scic créée avec une communauté de communes qui voulait en faire son « bras armé » en matière de logement et d’urbanisme, s’est ainsi retrouvée un peu dépitée lorsque, suite à une fusion de communes, la direction du nouvel EPCI s’est désintéressée de son projet et lui a même retiré un marché. Ailleurs, le changement d’interlocuteur avec l’intercommunalité a compliqué les choses: « Le soutien des élus est toujours là , mais le fonctionnaire qui a la charge du dossier n’a pas la même compréhension de notre entreprise et de ses enjeux que son prédécesseur… Du coup les choses sont moins fluides. » Dans une autre Scic, la présence de la nouvelle représentante de la collectivité au conseil d’administration s’est avérée quasi virtuelle. Pour autant ce genre de situation semble assez rare.
« il reste encore beaucoup à faire pour promouvoir ce statut auprès des collectivités. Pourtant, elles devraient être séduites par un statut protecteur, proche et dans lequel elles peuvent avoir un rôle… Sauf si elles préfèrent ne plus avoir sur leur territoire que des autoentrepreneurs et des multinationales! »
Florent Chambolle, délégué régional de l’UR Scop Île-de-France
La Navette
Article extrait du PARTICIPER n°676